Par un célèbre arrêt rendu le 28 mai 2003, la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 01-44.061) a jugé que la liberté de se vêtir ne relève pas des libertés fondamentales du salarié.
Cette décision est intervenue dans le cadre d’un contentieux initié par Cédric MONRIBOT, salarié technique chez Sagem, licencié pour avoir porté un bermuda lors d’un épisode de forte chaleur. Il contestait la directive informelle de port du pantalon, qu’il considérait injustifiée et non prévue par le règlement intérieur.
Une contestation publique de la hiérarchie, plus qu’un désaccord vestimentaire
Le cœur du litige ne résidait pas seulement dans le port du bermuda, mais dans le refus exprimé publiquement par le salarié d’adhérer à une directive managériale.
En adressant un courriel argumenté à plusieurs supérieurs, contestant la consigne et invoquant ses droits, le salarié a été perçu comme remettant en cause l’autorité de l’entreprise.
La Cour de cassation a confirmé que cette attitude constituait un dépassement du droit d’expression dans l’entreprise, d’autant plus qu’elle s’était accompagnée d’une forme de publicité interne.
Libertés individuelles : un cadre, mais pas sans limites
L’arrêt rappelle que l’exercice des libertés personnelles, y compris au travail, doit respecter les contraintes professionnelles justifiées et proportionnées (art. L. 1121-1 du Code du travail).
Le salarié invoquait également les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (respect de la vie privée et liberté d’expression), mais la Cour ne les a pas jugés applicables dans ce contexte.
2025 : fortes chaleurs, nouveaux enjeux pour les employeurs
À lumière des vagues de chaleur répétées en cette fin de printemps 2025, de nouvelles questions se posent.
L’obligation générale de sécurité pesant sur l’employeur (article L. 4121-1 du Code du travail) implique aussi de prévenir les effets des températures extrêmes.
Cela peut conduire à adapter temporairement les règles vestimentaires mais également des conditions de travail (recours au télétravail, modification des horaires de présence…) en concertation avec les représentants du personnel et la médecine du travail.
Tenue, santé et dialogue social : trouver le bon équilibre
Bien que cette jurisprudence reste une référence pour rappeler que l’opposition publique à une directive, même informelle, peut justifier une sanction, si elle fragilise l’autorité hiérarchique, il n’en demeure pas moins que la question de la pénibilité de la chaleur demeure.
Dans ce contexte, ignorer les alertes sur la pénibilité liée à la chaleur peut exposer l’employeur à des critiques inverses : manquement à son obligation de prévention, voire mise en danger du personnel.
Ce qu’il faut retenir
- La liberté vestimentaire n’est pas une liberté fondamentale : elle peut être encadrée par l’entreprise pour des motifs légitimes et proportionnés.
- La contestation d’une directive, si elle prend un tour public ou polémique, peut sortir du cadre du droit d’expression et constituer une forme d’insubordination.
- Les fortes chaleurs de 2025 exigent une lecture pragmatique des règles internes : adapter les pratiques n’est pas un renoncement, mais un geste de prévention.
- Le règlement intérieur doit être clair et justifié, en s’appuyant sur des critères objectifs et intelligibles (sécurité, hygiène, image).