Printemps chargé pour notre organisation, qui s’est exprimée à quatre reprises devant députés et sénateurs, réunis en commissions d’enquête et missions d’information pour tenter de comprendre pourquoi la situation de l’industrie en France patine.
Le monde politique se serait-il enfin décidé à écouter notre organisation quand il est question d’industrie ? Le mois de mai a été pour les métallos FO l’occasion de s’exprimer largement devant le Parlement, lequel était au chevet de la métallurgie. Le 7 mai, c’est le secrétaire fédéral Olivier Lefebvre qui a participé à une table ronde organisée par la mission sénatoriale d’information sur l’avenir de l’industrie automobile française. Il a pu y porter nos revendications sur la conditionnalité des aides, l’exigence d’une forte part de contenu local dans la production de véhicules en France ou encore la nécessité d’une R&D forte. Les 13 et 16 mai, c’était au tour des métallos FO d’ArcelorMittal (le RSN Sylvain Ibanez, le DSC d’ArcelorMittal Méditerranée David Thourey, Tony Cassino, pour le site de Dunkerque, et Agnès Laurent, d’AMCS Reims), accompagné par le secrétaire fédéral Paul Ribeiro de prendre la parole devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les défaillances des pouvoirs publics face à la multiplication des plans de licenciements.
Intervention de Paul Ribeiro :
Le 15, toujours, le secrétaire général FO Métaux Valentin Rodriguez était lui aussi devant la représentation nationale, dans le cadre de la commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France, en compagnie de la secrétaire confédérale Patricia Drevon.
Faut-il réellement se réjouir de ce regain d’intérêt du Parlement pour la question industrielle ? Pour enterrer un problème, il suffit de créer une commission, aurait dit Clémenceau. A le prendre au mot, l’industrie pourrait en effet passer pour un problème : depuis 1990, une dizaine de commissions d’enquête ou de missions d’informations y ont été consacrées. Sur l’automobile, le ferroviaire ou encore la sidérurgie pour ce qui est des secteurs ; sur la compétitivité, les délocalisations, la désindustrialisation mais aussi la réindustrialisation pour les différentes dimensions du sujet ; sur des cas particuliers comme Alstom, Alcatel ou STX : députés et sénateurs ont témoigné d’un engouement sans cesse renouvelé pour l’industrie. Pour faire bonne mesure, il faudrait ajouter les dizaines de rapports rédigés par la Cour des comptes, le CESE, Bercy, différents centres d’études, et jusqu’à des experts renommés, tel Olivier Lluansi, dont le gouvernement n’a pas osé publier les derniers travaux, cruellement critiques quant à la stratégie publique en ce domaine. Toute cette énergie pour quels résultats ?
Point commun à l’ensemble de ces rapports : ils ne sont pas avares de recommandations et de mesures à mettre en œuvre d’urgence. Pourtant, rien ne bouge… « Ce ne sont pas les solutions, connues de longue date, qui manquent, considère Valentin Rodriguez, mais la volonté de les concrétiser. » Et de faire remarquer qu’à chaque nouvelle initiative pour dresser un diagnostic et proposer des remèdes, FO répond présente à l’invitation, quitte à devoir bégayer. « La politique de la chaise vide, très peu pour nous ! assène le secrétaire général FO Métaux. Nous martèlerons nos revendications, nos analyses et nos positions partout où nous le pourrons, autant de fois qu’il le faudra. » Cette pédagogie de la répétition a d’ailleurs fait ses preuves. C’est ainsi que FO a finalement eu gain de cause chez Airbus, obtenant par sa détermination le retour des aérostructures au sein du groupe, ou encore sur la fin de la limitation à trois du nombre de mandats syndicaux successifs, exigée avec constance et ténacité par notre organisation. En matière de revendication comme dans la mise au point de stratégies industrielles, rien ne vaut un élément trop souvent oublié par la classe politique : le temps long.
Encadré : Des auditions pour quoi ?
Outils essentiels du contrôle parlementaire en France, les missions d’information et les commissions d’enquête parlementaire dépassent largement leur aspect institutionnel ou technique : ce sont aussi des instruments à forte portée politique, médiatique et stratégique. Créée par une commission permanente (ex : affaires économiques), une mission d’information est chargée d’étudier un sujet précis, via des auditions, des visites de terrain et la collecte de données, le tout débouchant sur un rapport formulant constats et propositions. Un cran au-dessus, la commission d’enquête dispose de pouvoirs d’investigation renforcés pour mettre en lumière des dysfonctionnements, pointer des responsabilités, formuler des recommandations. Souvent initiées par les groupes d’opposition parlementaire ou par des majorités cherchant à occuper le terrain, elles sont volontiers politisées, offrant à leurs membres l’opportunité de critiquer le gouvernement sur des choix économiques ou sociaux, ou encore de faire émerger une grille de lecture alternative en guise d’ébauche de programme. Les rapporteurs de missions ou commissions sont fréquemment des élus en quête de crédibilité sur un thème d’avenir. Ils profitent ainsi d’une visibilité médiatique, d’une image d’expertise et de sérieux à peu de frais, qu’ils tentent parfois de transformer en tremplin pour incarner une ligne politique sur des enjeux économiques majeurs. Ces commissions et missions viennent aussi alimenter le débat public, mais leurs retombées réelles restent mesurées, aboutissant rarement à des propositions de loi. Derrière la mise en scène, l’instrumentalisation politique et la faible mise en œuvre des recommandations en font un outil à l’utilité finalement discutable, mais jamais discutée. En somme, derrière la logique du coup d’éclat, rien de bien durable…