Montréal (Canada) accueillait du 11 au 13 juin la conférence mondiale de l’aéronautique d’IndustriALL Global Union. Réunissant des syndicalistes du monde entier pour se pencher sur les défis d’un secteur en pleine évolution. Ils ont défini une voie claire, assortie d’un mandat d’action fort, dans la perspective du prochain congrès de l’organisation, à Sydney (Australie) du 4 au 7 novembre prochains. Maria Perez, coprésidente du comité sectoriel aéronautique et élue FO au CSE Airbus SAS, y portait la voix de notre organisation.
Montée en puissance de l’intelligence artificielle, décarbonation, bouleversements dans les chaînes d’approvisionnement, hausse de l’automatisation, restructurations mais aussi irruption de nouveaux acteurs : l’aéronautique mondiale est en train de changer de visage et ces paramètres imposent aux organisations syndicales un changement de stratégie. Certes, le secteur a su rebondir après la pandémie, mais ses salariés font toujours face à une forte pression, une supply chain en souffrance et à une demande accrue de nouvelles compétences qui se conjugue avec des problèmes de recrutement. Appelant à une action collective pour faire face à un paysage industriel instable, Maria Perez, coprésidente FO du comité aéronautique, a déclaré : « La montée en cadence exerce de nouvelles contraintes sur les salariés. Les directions, dont l’objectif principal est d’augmenter les volumes de production, procèdent à des réorganisations industrielles rapides, souvent sans véritable concertation. Cela fragilise notre capacité à négocier en amont les conditions de mise en œuvre. Nous avons besoin d’unité et d’action pour défendre nos droits. » Elle a poursuivi sur les pratiques et méthodes en vigueur dans notre pays, et notamment la détermination de FO Métaux à ne pas laisser les négociations se limiter aux « fondamentaux » que sont les questions salariales ou de conditions de travail.
Alors que les multinationales de l’aéronautique restructurent et déplacent leur production, la coordination syndicale doit suivre le rythme. Pour Georg Leutert, directeur du secteur aérospatial d’IndustriALL, une solution réside dans la construction de réseaux syndicaux mondiaux plus agiles, notamment autour des grands acteurs que sont Airbus, Boeing, Embraer, mais aussi dans la chaîne d’approvisionnement et auprès d’entreprises comme GE Aerospace ou Safran. C’est seulement ainsi qu’il sera possible de porter la voix des salariés partout. Et pas question de se limiter à l’Occident : il faut bâtir un pouvoir syndical dans des régions en pleine croissance comme l’Afrique du Nord, l’Inde ou l’Amérique latine. Le message est clair : connecter les points à l’échelle mondiale et agir localement avec précision. Pour cela, il faudra néanmoins du concret, à commencer par une véritable analyse du terrain et une meilleure identification des salariés concernés afin de coordonner plus efficacement les actions transfrontalières.
L’action sera également déterminante dans le domaine technologique. La numérisation et l’IA ont déjà commencé à transformer l’industrie, mais il n’est pas trop tard pour que les syndicats en influencent le cours, à condition d’agir tôt et de façon stratégique. Il a d’ailleurs été rappelé que les outils pour protéger les salariés existent déjà dans de nombreuses conventions collectives. Aux syndicats d’aller plus loin en négociant des clauses sur la reconversion, la protection des salaires, la sécurité et les droits relatifs aux données. Les échanges ont également montré une autre inquiétude liée à l’IA : alors que beaucoup d’entreprises l’utilisent pour atteindre leurs objectifs climatiques et rationaliser leurs opérations, les salariés, eux, courent le risque d’être exclus des décisions clés.
Les participants se sont aussi arrêtés sur l’un des défis les plus urgents du secteur : les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, qui minent la sécurité de l’emploi et la stabilité de la production. Sur ce plan, beaucoup se sont alarmés de la bataille commerciale en cours à l’instigation des Etats-Unis et des dégâts que risquent de faire des droits de douane devenus armes économiques dans une guerre qui ne fera que des perdants.
Les syndicats ont souligné l’importance de s’engager auprès de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), où sont débattues et adoptées les politiques mondiales sur l’automatisation, la sécurité et le climat, qui sont chaque jour plus empreintes d’enjeux sociaux. Ici aussi, le constat était clair : si les syndicats ne sont pas à la table au moment où les règles mondiales sont écrites, ils risquent de se voir imposer des normes qui pèsent directement sur le travail sans avoir leur mot à dire. Enfin, les participants ont consacré une session à la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI), qui a nourri des échanges francs et dynamiques, rendus plus marquants par le manque visible de femmes dans la salle. IndustriALL s’est d’ailleurs fixé un objectif de 40 % de participation féminine, mais cette conférence a rappelé combien le secteur reste en retard, en pratique comme en représentation.
Les travaux se sont achevés par l’adoption d’une feuille de route claire pour le travail d’IndustriALL dans le secteur aéronautique, organisée autour du renforcement des réseaux syndicaux mondiaux et des accords-cadres globaux (GFA), le développement du syndicalisme en Asie de l’Est, un engagement plus fort auprès de l’OACI, la mise en place de groupes de travail thématiques sur le genre, l’agenda social, environnemental et de gouvernance, et l’IA, ainsi que d’améliorer l’accès des syndicats affiliés d’Afrique et d’Asie pour une participation renforcée dans le secteur. Les syndicalistes l’ont clairement exprimé : il est temps de passer des idées générales à l’action coordonnée !