Batterie électrique : enfin du solide ?

Rédigé le 28/05/2025
Benoit Merlet


Stellantis a annoncé fin avril la validation réussie des cellules de batteries à électrolyte solide FEST (Factorial Electrolyte System Technology), qui ouvre la voie à la technologie de batterie dite solide. Le constructeur se place ainsi à l’avant-garde de la transition environnementale.  

L’électrique devait révolutionner l’automobile. Demain, c’est la batterie solide qui promet de révolutionner l’électrique. Malgré de considérables progrès ces dernières années, la batterie des modèles électriques constituent d’abord une inquiétude pour les automobilistes avant d’être un atout. Plus pour longtemps. Si, aujourd’hui, les batteries lithium-ion sont basées sur un électrolyte liquide dans leur chimie, la rupture technologique en cours de finalisation sera celle de l’électrolyte solide. Derrière ce bond de géant, on retrouve le groupe Stellantis, associé à Factorial Energy, start-up dans laquelle le constructeur avait investi 75 millions de dollars en 2021.

Une charge rapide de 15 à 90 % en 18 minutes, une capacité de fonctionnement à des températures allant de - 30 à 45 °C, une densité énergétique plus que doublée, une durée de vie plus élevée, un poids moins important, le tout au service d’une autonomie et de performances améliorées à un coût plus abordable, sans oublier une dépendance aux terres rares bien plus faible : voilà ce que promet la batterie solide. Prochaine étape : l’intégration de ces batteries dans une flotte de véhicules de démonstration d’ici à 2026, pour une validation plus poussée des batteries à l’état solide de Factorial et une évaluation des performances dans des conditions de conduite réelles. « À l’échelle mondiale, Toyota, QuantumScape et Solid Power ont pris de l’avance sur les sulfures, tandis que Hyundai, Mercedes et Volkswagen explorent d’autres architectures et échéances de commercialisation, fait remarquer le secrétaire fédéral Olivier Lefebvre. La multiplication des partenariats et consortiums en Europe, Asie et Amérique du Nord reflète l’urgence stratégique de devancer ces acteurs et de sécuriser les chaînes de valeur. »

Des faiblesses institutionnelles

Avant d’envisager la commercialisation de cette technologie de nouvelle génération (probablement pas avant 2030), il faudra néanmoins résoudre quelques défis, à commencer par celui de l’industrialisation. En effet, ces batteries nécessitent des techniques de production radicalement différentes de celles utilisées pour les batteries lithium-ion conventionnelles. Autrement dit, les usines existantes ne pourraient pas produire des accumulateurs solides si la technologie était prête demain… Olivier Lefebvre souligne que, même si l’Union européenne a déployé plusieurs instruments pour soutenir la filière, ceux-ci restent insuffisants pour répondre à l’ampleur du défi. L’European Battery Alliance, qui fédère plus de 800 acteurs, et les deux volets des Projets Importants d'Intérêt Européen Communs (IPCEI) Batteries — 9,3 Mds€ de subventions catalysant plus de 18 Mds€ d’investissements privés — n’ont pas permis de corriger le déficit de coordination entre les États membres. De son côté, Horizon Europe (925 M€ via BATT4EU, le partenariat européen sur les batteries) et l’Innovation Fund (3,4 Mds€ pour démonstrateurs et pré-production) manquent de flexibilité et restent prisonniers de processus administratifs lourds. Selon lui, le ratio public/privé déséquilibré, la lenteur des procédures et l’opacité de certaines allocations altèrent l’efficacité de ces dispositifs. Face à l’Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis et aux surcapacités chinoises, notre Fédération appelle à renforcer la conditionnalité des aides — en liant subventions à des objectifs industriels concrets — à simplifier drastiquement les process et à investir massivement dans la formation de compétences spécialisées pour garantir l’essor durable de la production européenne.

Créer une filière véhicule électrique

 « C’est ici que le soutien de la puissance publique, notamment dans le domaine de la R&D, se révèle primordial pour permettre de passer rapidement à des process industriels, analyse Olivier Lefebvre. Au-delà, cela montre la nécessité de créer une filière du véhicule électrique pour s’assurer la maîtrise des technologies d’avant-garde, et ne plus courir après celles déjà détenues par la Chine. » L’urgence est d’autant plus forte que la batterie solide présente un autre avantage considérable. Elle exempte enfin l’électrique d’un risque majeur : celui de l’emballement thermique et de l’auto incendie. Avec ce bond en termes de sécurité, ce sont d’autres secteurs qui pourraient revoir leur copie sur le plan de la motorisation, à commencer par l’aéronautique. Voilà qui tombe bien : c’est un autre groupe français, Safran, qui a récemment obtenu la certification du premier moteur électrique pour avion.