MISE EN PLACE ET CONTENU
La mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi est obligatoire, au sein des entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’elles envisagent le licenciement pour motif économique d’au moins dix salariés sur une même période de 30 jours (article L. 1233-61 du Code du travail).
Toutefois, les entreprises de moins de 50 salariés ont la possibilité de mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi : c’est une modalité qui leur permet de satisfaire à leur obligation de recherche de reclassement. Pour autant, si elles optent pour la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, elles n’ont pas l’obligation de satisfaire aux exigences de contenu du plan fixées par les articles L. 1233-61 et L. 1233-62 du Code du travail. Elles n’ont pas non plus l’obligation de faire valider ou homologuer le plan par la DREETS : de ce fait, la contestation du contenu du plan ne relève pas du juge administratif, mais du conseil de prud’hommes
Appréciation de l’effectif de l’entreprise
L’effectif de 50 salariés est apprécié suivant les règles de décompte fixées par l’article L. 1111-2 du Code du travail :
Date d’appréciation
L’effectif s’apprécie à la date d’engagement de la procédure de licenciement) à savoir la date de première convocation du comité social et économique. Peu importe qu’en cours de procédure, l’effectif passe en dessous du seuil de 50 salariés, du fait notamment d’un transfert de personnel (Cass. soc., 19 mai 2015, nº 13-26.669).
Périmètre d’appréciation
Le périmètre est celui de l’entreprise. Si l’entreprise appartient à un groupe, il n’y a donc pas lieu de prendre en compte les effectifs des autres entreprises du groupe (Cass. soc., 26 févr. 2003, nº 01-41.030).
Quand l’entreprise est composée d’établissements distincts, il doit être pris en considération le niveau de décision d’engagement de la procédure de licenciement : si la décision est prise au niveau de l’entreprise, c’est l’effectif global de l’entreprise qui conditionne la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc., 7 mai 2003, nº 01-42.379).
Si l’entreprise appartient à une UES (unité économique et sociale) : l’effectif de l’UES doit être pris en compte si la décision de mise en œuvre des licenciements est prise au niveau de l’UES par la direction commune à toutes les entreprises.
Appréciation du nombre de ruptures
Nombre de rupture
Le plan de sauvegarde de l’emploi doit être mis en place dès lors que l’employeur envisage au moins 10 licenciements sur une même période de 30 jours.
Il n’est pas nécessaire que la rupture se formalise par un licenciement (exemple : un départ en préretraite, s’il est envisagé pour un motif économique, est pris en compte).
Toutefois, sont exclus la rupture conventionnelle individuelle, et les ruptures d’un commun accord intervenant dans le cadre d’un accord collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que les ruptures conventionnelles collectives (article L. 1233-3, dern. al. Du Code du travail).
Lorsque l’employeur propose des modifications contractuelles fondées sur un motif économique, ce n’est pas le nombre de salariés concernés par la proposition de modification qui est pris en compte pour apprécier la nécessité de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi, mais le nombre de salariés ayant refusé la proposition de modification et dont le licenciement est alors envisagé (article L. 1233-25 du Code du travail). Si plus de dix salariés refusent une modification contractuelle pour motif économique, l’employeur peut décider d’engager la procédure de licenciement et doit, dans ce cas, mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi.
Les modifications contractuelles prévues dans le cadre d’un accord de performance collective (article L. 2254-2 du Code du travail) ne déclenchent pas la mise en œuvre d’un PSE lorsqu’elles sont refusées par les salariés, quel que soit leur nombre.
Période d’appréciation
L’appréciation du nombre de licenciements envisagés se fait sur une période de 30 jours consécutifs (article L. 1233-61 du Code du travail).
Cette période court à compter de la date de la première consultation du comité social et économique. En l’absence d’une telle consultation, (absence de CSE et consultation non requise), c’est la date du premier entretien préalable au licenciement qui est prise en compte (Circ. min. nº 89-46, 1er oct. 1989). Si dans les 30 jours, l’employeur convoque à nouveau le comité social et économique dans le cadre d’un projet de licenciement collectif, il faut prendre en compte le nombre de salariés visés par le second projet et les ajouter à ceux visés par le premier projet pour apprécier la nécessité de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. soc., 19 mars 2003, nº 01-12.094). C’est la date d’envoi de la seconde convocation qui compte, peu important que la réunion de consultation du comité social et économique se tienne au-delà du délai de 30 jours.
Etablissement du PSE: accord collectif ou document unilatéral
Le plan de sauvegarde peut être établi de manière concertée, dans le cadre d’un accord collectif (article L. 1233-24-1 du Code du travail). Il peut aussi être élaboré unilatéralement par l’employeur (article L. 1233-24-4 du Code du travail). Ces modalités d’adoption relèvent du libre choix de l’employeur qui n’est donc pas tenu de répondre favorablement à une demande d’ouverture de négociations par les organisations syndicales (Instr. DGEFP nº 2013-10, 26 juin 2013, NOR : ETSD1316861J).
PSE par accord collectif
Négociateurs
- Organisations syndicales
Lorsque le PSE est défini par accord collectif, celui-ci doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires du comité social et économique, quel que soit le nombre de votants (article L. 1233-24-1 du code du travail).
Dans les entreprises ayant mis en place un conseil d’entreprise, c’est lui qui est signataire de l’accord. L’accord doit être signé par la majorité des membres titulaires élus du conseil ou par un ou plusieurs membres titulaires ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles (article L. 2321-9 du Code du travail).
- Représentant patronal
Côté employeur, l’accord doit être signé par un représentant ayant compétence pour engager l’entreprise.
Lorsque l’accord déterminant le contenu du PSE est conclu au niveau de l’UES par chacune des entreprises membres de l’UES. Il peut également l’être par une seule des entreprises membres de l’UES, à condition que celle-ci dispose d’un mandat exprès préalable de chacune des autres entreprises (CE, 2 mars 2022, nº 438136).
Au sein d’une UES, il est possible de conduire des PSE distincts au sein des différentes sociétés qui la composent (CE, 29 déc. 2023, nº 463794).
Ouverture des négociations
Les négociations peuvent être ouvertes
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En amont de l’engagement de la procédure de consultation du comité social et économique, sans que cela ne constitue une entrave au fonctionnement du comité (article L. 1233-46 du Code du travail). L’employeur doit informer sans délai le Dreets de l’ouverture de cette négociation (article L. 1233-24-1 du Code du travail).
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Parallèlement à la procédure d’information-consultation du comité social et économique : l’ouverture des négociations est, dans ce cas, annoncée lors de la première réunion de consultation du comité social et économique, et le Dreets en est informé au plus tard le lendemain de l’ouverture des négociations ;
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En cours de procédure d’information-consultation : l’employeur doit dans ce cas en informer le Dreets (Instr. DGEFP/DGT nº 2013-13, 19 juill. 2013, fiche nº 1, NOR : ETSD1319060J).
Le CSE doit être consulté sur l’opération projetée et ses modalités d’application ainsi que sur le projet de licenciement collectif. Toutefois, les éléments du projet de licenciement collectif traités par l’accord collectif ne sont pas soumis à la consultation du CSE (article L.1233-30 du Code du travail, CE, 7 décembre 2015, n°383856). En effet, en règle générale les projets d’accord collectif n’ont pas à être soumis à la consultation du CSE (article L.2312-14 du Code du travail).
Si les négociations aboutissent, que l’accord soit total ou partiel, l’accord doit faire l’objet d’une validation par la DREETS (Article L. 1233-57-1 du Code du travail) et faire l’objet d’un dépôt, comme tout accord collectif, conformément aux dispositions de l’article L. 2231-6 du Code du travail.
PSE par document unilatéral
En l’absence de négociation ou en cas d’échec de celles-ci, l’employeur doit établir un document unilatéral (article L.1233-24-4 du Code du travail).
L’employeur a l’obligation de soumettre le document unilatéral à la consultation du CSE. L’employeur peut donc être amené à modifier le document pour prendre en compte les observations du CSE.
Il doit faire l’objet d’une homologation auprès de la DREETS.
Combinaison accord collectif et document unilatéral
Il est tout à fait possible d’envisager une combinaison mixte, en cumulant un accord collectif et un document unilatéral : dans ce cas, l’accord collectif doit au moins porter sur le plan de sauvegarde de l’emploi (article L. 1233-24-2 du Code du travail).
Le document unilatéral peut donc uniquement porter sur les points suivants :
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Modalités d’information et de consultation du comité social et économique
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Pondération et périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements ;
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Calendrier des licenciements ;
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Nombre de suppressions d’emplois et catégories professionnelles concernées ;
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Modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement.
Une partie de ces points peut aussi être intégrée à l’accord collectif.
Lorsqu’il y a combinaison entre accord collectif et document unilatéral, l’administration va à la fois devoir valider l’accord collectif et homologuer le document unilatéral (article L. 1233-57-3 du Code du travail). Elle applique distinctement le délai de 15 jours pour homologuer l’accord et 21 jours pour valider le document unilatéral (article D. 1233-14-1 du Code du travail). Cependant, en pratique, il est demandé à la DREETS d’instruire simultanément la demande de validation et la demande d’homologation dans les 15 jours suivant la réception du dossier, dans la mesure où il n’y aurait aucun sens à ce qu’elle se prononce séparément sur l’accord collectif et le document unilatéral. La DREETS prend une seule décision administrative, sachant que la non-validation de l’accord partiel ou la
Assistance des organisations syndicales par un expert
Le contenu du PSE
Contenu minimal du PSE
Le contenu minimal du plan de sauvegarde de l’emploi, au sens propre du terme, ne varie pas selon le support choisi. Il est fixé par les articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du Code du travail.
Le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi s’inscrit dans l’objectif donné par le législateur à cet outil, à savoir « éviter les licenciements ou en limiter le nombre » (article L. 1233-61, al. 1er du Code du travail). Il doit intégrer un plan de reclassement en vue de faciliter la réaffectation, sur le territoire national, des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou qui présentent des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (article L. 1233-61, al. 2 du Code du travail).
Le PSE doit également déterminer les modalités de suivi de mise en œuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement. Ce suivi fait l’objet d’une consultation régulière et détaillée du CSE dont l’avis est transmis à la DREETS. Cette dernière est associée au suivi de ces mesures et reçoit un bilan établi par l’employeur de la mise en œuvre effective du PSE (article L.1233-63 du Code du travail).
Autres mesures
S’il est mis en place par accord collectif, celui-ci peut également porter sur :
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Les modalités d’information et de consultation du comité social et économique
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La pondération et le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements ;
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Le calendrier des licenciements ;
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Le nombre de suppressions d’emplois et les catégories professionnelles concernées ;
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les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement (article L. 1233-24-2 du Code du travail).
En tout état de cause, les négociateurs de l’accord collectif relatif au plan de sauvegarde de l’emploi ne peuvent pas déroger :
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À l’obligation d’effort de formation, d’adaptation et de reclassement qui incombe à l’employeur (article L. 1233-4 du Code du travail) ;
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Aux règles générales d’information et de consultation du comité social et économique: caractère préalable de la consultation, transmission préalable d’informations précises et écrites, réponse motivée de l’employeur aux observations du comité social et économique, accès du comité social et économique à l’information utile détenue par les administrations publiques ;
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À l’obligation qu’a l’employeur de proposer le contrat de sécurisation professionnelle (entreprises de moins de 1000 salariés) ou le congé de reclassement (entreprises 1000 et plus);
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À la communication au comité social et économique des renseignements sur le projet de licenciement (articles L. 1233-31 à L. 1233-33 du Code du travail) ;
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Aux règles de consultation applicables lors d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire (article L. 1233-58 du Code du travail).
Si l’employeur opte pour un document unilatéral, celui-ci doit fixer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, mais également préciser :
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Les modalités d’information et de consultation du comité social et économique ;
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La pondération et le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements ;
-
Le calendrier des licenciements ;
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Le nombre de suppressions d’emplois et les catégories professionnelles concernées ;
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Les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement (C. trav., art. L. 1233-24-4).
Pour finir, l’article L. 1233-62 du Code du travail mentionne les mesures que le plan de sauvegarde de l’emploi peut prévoir :
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Des actions en vue du reclassement interne ;
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Des créations d’activités nouvelles par l’entreprise ;
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Des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise ;
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Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités ;
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Des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés ;
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Des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion;
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Des mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail, ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires régulières.
Cette liste ne présente pas un caractère exhaustif : le plan de sauvegarde de l’emploi peut donc tout à fait intégrer d’autres mesures s’inscrivant dans l’objectif de reclassement du plan.
La jurisprudence a pour sa part ajoutée à cette liste, par une interprétation extensive des textes, l’obligation de prévoir des mesures de prévention des risques psychosociaux (CE, 21 mars 2023 n°450012, n°460660 : contrôle de l’administration étendu à la vérification des mesures que l’employeur doit prendre au titre de son obligation de sécurité). Ces mesures comprennent des mesures de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Si le PSE est conclu par accord majoritaire, le Conseil d’Etat a précisé toutefois que les mesures préventives n’ont pas à figurer obligatoirement dans l’accord collectif mais peuvent être prévues dans un ou plusieurs documents complémentaires qui doivent être soumis au CSE (CE, 19 décembre 2023, n°464864, n°458434).